Insomnies, maladies cardiaques… Les impacts délétères des pollutions sonores sur la santé ne sont plus à démontrer. Dans un rapport publié en 2019, l’association Bruitparif estime même qu’elles feraient perdre en moyenne jusqu’à 10,7 mois de vie en bonne santé à chaque Francilien.
Une nouvelle étude coordonnée par l’Inserm et Sorbonne Université publiée le 21 mars 2025 dans la revue Journal Of Exposure Science And Environmental Epidemiology ouvre la voie à une meilleure compréhension de l’ampleur de ces nuisances sonores.
En observant comment l’exposition au bruit des habitants du Grand Paris varie en fonction des déplacements et des activités, les chercheurs ont constaté que l’activité de transport joue un rôle majeur dans la pollution sonore subie au quotidien, qui dépasse régulièrement les seuils recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Ces résultats se fondent sur une cohorte de 259 habitants du Grand Paris recrutés entre 2018 et 2020. Pendant quatre jours, les participantes et les participants ont été équipés de sonomètres et de GPS pour mesurer l’intensité du bruit à laquelle ils étaient exposés chez eux, dans les transports, au travail et pendant leur temps libre.
Dans le détail, les participants de l’étude ont subi un peu moins du quart (22,9 %) de leur dose de bruit quotidienne chez eux. Le reste est réparti entre le travail (15,7 %), les loisirs (14,7 %), la marche (13,1 %), la voiture (10,7 %), les activités commerciales et de service (9,5 %), et enfin les transports souterrains comme le métro (9,5 %).
En tenant compte du temps imparti à chacune de ces activités, les chercheurs se sont rendu compte que les déplacements, tous modes confondus, jouent un rôle non négligeable dans l’exposition au bruit. Au total, les participants de l’étude y ont subi plus du tiers (37,2 %) de leur dose quotidienne de bruit, alors qu’ils y ont passé 2 heures et 14 minutes en moyenne, soit moins de 10 % de leur temps.
Les modes de transport motorisés (voiture, bus, métro, RER, tram) sont ceux où les participants de l’étude ont le plus été exposés à la pollution sonore. Ils y ont subi 21,4 % de leur dose de bruit quotidienne en à peine plus d’une heure (61 minutes) en moyenne.
« L’étude montre que la pollution sonore plus intense dans les transports ferrés souterrains, et plus largement dans les transports motorisés, contribue de façon non négligeable à l’exposition quotidienne au bruit des résidents du Grand Paris » , souligne Basile Chaix, dernier auteur de l’étude et directeur de recherche à l’Inserm.
En moyenne, sur l’ensemble des activités et des modes de transports étudiés, les participants de l’étude ont été exposés pendant près des deux tiers des jours suivis (64 %) à un volume sonore dépassant 55 décibels (db(A)) – soit le seuil à partir duquel des conséquences néfastes sur la santé peuvent apparaître, selon l’OMS. Ces effets incluent notamment des troubles du sommeil, des risques cardiovasculaires accrus, des difficultés de concentration ou encore des retards dans les apprentissages.
« Alors que la dernière carte stratégique du bruit de Bruitparif a montré que 80 % des habitants d’Île-de-France vivent dans des logements exposés à des niveaux de pollutions sonores qui excèdent fortement les recommandations de l’OMS, nos résultats suggèrent que ces seuils sont aussi souvent dépassés lors des activités et des déplacements quotidiens hors du domicile. En conséquence, les cartes de bruit officielles, qui indiquent le bruit mesuré en façade des bâtiments, ne peuvent pas être utilisées seules pour prédire les impacts du bruit sur la santé de la population », poursuit Basile Chaix.
Les populations socialement défavorisées sont en première ligne face aux pollutions sonores, selon un rapport de 2019 de l’Agence européenne pour l’environnement. Cette nouvelle étude confirme l’existence de cette inégalité dans la métropole du Grand Paris : les chercheurs ont observé que la dose globale de bruit subie au cours de la journée diminue régulièrement à mesure que le revenu du ménage augmente.
Pour atténuer les risques, les chercheurs suggèrent de poursuivre les efforts pour transformer les villes et adapter le comportement des personnes qui y vivent.
« Ces résultats soulignent l’importance des politiques publiques visant à apaiser l’environnement urbain, comme le fait de réduire le transport motorisé, d’aménager la ville pour les piétons, et de faire en sorte que les services nécessaires à la vie quotidienne soient accessibles facilement à pied et comme la mise en place de “zones calmes” faiblement exposées au bruit au cœur des villes », conclut Basile Chaix.